La question des TEG erronées est devenue une problématique judiciaire importante depuis quelques années.
Alors que la pression médiatique remette continuellement en cause la garantie des banquiers quant à l’exactitude de ce taux, des cabinets véreux en profitent pour détourner la situation à leur avantage. Il s’avère pourtant que la défaillance n’apparaît que dans moins 20% des cas, et qu’en réalité l’éventualité d’entreprendre une action n’est pas toujours une démarche pertinente. Dans certains cas, des particuliers se heurtent à des procédures sans suite qui ne produisent aucun résultat et les font perdre davantage de l’argent au lieu d’en gagner.
L’univers banquier, ce secteur en pleine ébullition depuis des lustres apparaît incontestablement comme un véritable eldorado pour les courtiers et les prestataires de services en conseil. Il serait jusqu’alors un vivier de créneaux porteurs pour les plus ingénieux et les plus audacieux mais tristement, certains en usent comme prétexte pour duper des clients en quête d’opportunités de gains.
C’est probablement ce qu’on peut affirmer de la contestation de TEG qui relève les bronca ces cinq dernières années. Une démarche qui semblait à l’origine contenir toute sa légitimité mais a connu quelques dérives sous l’influence d’un resquille organisé à quasi grande échelle. Nombre de sites en ligne nouvellement apparus se permettent en effet de pousser certains emprunteurs à contester leur TEG pour gagner de l’argent facile. Mais le plus fréquemment, c’est une procédure qui n’aboutit pas et les acteurs finissent presque toujours par aller au tapis.
Contester un TEG : un choix intéressant mais risqué
Dans une offre de prêt, le banquier a pour obligation de fournir le Taux Effectif Global (TEG devenu TAEG) afin de faire connaître à son client le coût réel du crédit qu’il a l’intention de demander. Cet indicateur est très important étant donné qu’il permet de faire une comparaison de plusieurs offres proposées par d’autres établissements et de renseigner sur les frais et commissions obligatoires ainsi que les intérêts que doit payer l’emprunteur.
En être informé est donc de son plein droit. En conséquence, ne pas mentionner ce taux ou le fausser peut exposer le banquier à des sanctions émises en sa faveur. Et ces événements sont légion.
Une erreur de TEG n’existe pas cependant dans tous les contrats. Certes, on admet la négligence de certains établissements financiers qui omettent d’inclure certains éléments dans le calcul du taux effectif global. D’autres peuvent expressément choisir de ne pas le mentionner ou alors inscrire un taux inexact. Mais cela ne doit pas être perçu comme systématique. De plus, si un TEG erroné est identifié, l’obtention de réparation est laissée à l’appréciation du tribunal selon la jurisprudence et les éléments avérés dans le calcul du TEG. Si l’action n’aboutit pas, le requérant risque de perdre beaucoup en l’absence de compensation des frais engagés dans les procédures.
Une affaire juteuse pour les cabinets d’expertise
Toujours est-il que devant une fréquence accrue d’erreurs, des cabinets d’expertise comptable et de conseil financier ont eu l’idée de développer des pratiques trompeuses en persuadant les emprunteurs à contester le TEG de leur prêt. Ceci afin que ces derniers puissent récupérer le trop-plein d’intérêts qu’ils ont versés et éventuellement alléger les intérêts restants. C’est une belle affaire à en croire, et sachant que plusieurs personnes y ont trouvé leur compte, il est presque impossible de ne pas se laisser entraîner.
A fortiori, des séries de décisions de justices favorables rendues année après année ont renforcé le mouvement. Cela a d’ailleurs commencé en 2010, année où la crise des subprime a considérablement affecté la position du système judiciaire vis-à-vis des établissements bancaires. A la même époque, la contestation du TEG résultait d’une logique répressive assimilant l’inexactitude du taux effectif global à une absence ou à une faute réprouvée et pénalisait donc le banquier à coup sûr. De ce fait, une erreur aussi minime soit-elle avait inéluctablement pour effet l’application de la déchéance des intérêts.
Cette situation a rapidement suscité des mouvements de contestation de masse encouragés par des cabinets d’expertise opportunistes. Leur stratégie a tout pour séduire. Tout d’abord, ils proposent une analyse de dossiers gratuite (ou en échange de quelques euros) pour déceler une erreur de TEG. Ensuite, ils les incitent à réclamer des indemnités auprès de leur banque ou lancer une action en justice.
Pour ce dernier cas, si les entreprises d’analyse de contrat de prêt ont eu l’aimable gentillesse de proposer une expertise gratuite au départ, ils se rattraperont certainement dans les gains encaissés devant les tribunaux.
Au final, c’est un mal pour un rien parce que le processus, en plus d’être long et risqué, est susceptible de crisper les juges qui peuvent très vite s’apercevoir de la non-pertinence de la sollicitation.
Une approche basée sur des faits génériques
L’affaire Humania Consultants en 2013 illustre le parfait déguisement de l’expertiseur malhonnête qui se sert à tous les coups de l’ignorance des emprunteurs pour alimenter son business. L’idée était de repérer les mauvais calculs de TEG dans tous les crédits de France. La martingale ? Contester le taux de période qui est le taux calculé pour une durée unitaire correspondant à la périodicité des remboursements effectués par l’emprunteur et qui sert au calcul du TEG, mais qui est souvent absent dans le contrat. La loi condamne la banque à remplacer le taux consenti à l’octroi du prêt par le taux légal en cas de manquement à cette obligation. Et pour le titulaire du crédit, c’est plusieurs milliers d’euros d’économies acquises.
La société est même allée plus loin en arrangeant les études de dossiers pour dénicher une erreur. Et cela a très bien marché car c’est 6 000 emprunteurs qui se sont fait berner et y ont laissé leur argent durement gagné.
Mais cette mésaventure a très vite fait de s’achever avec la liquidation judiciaire de la société Humania Consultants fondée par Daniel Margutti en décembre 2017. Malgré cela, les emprunteurs sont encore loin de récupérer leur mise et les actions entreprises sont décidément des efforts inutiles car en plus de perdre leur procès, ils n’ont pas été remboursés par l’assurance.
Des tentatives souvent interrompues par les tribunaux
Aujourd’hui, l’affaire HC fait encore couler beaucoup d’encre. Et les clients de la société ne semblent pas se résigner à l’abandon. Après une initiative vaine auprès de la justice, ils décident de se tourner vers l’assureur qui en temps normal, devrait leur rembourser si leur demande était rejetée. Jusqu’à un certain moment, Garantie Assurance, la société auprès de laquelle Humania Consultants a souscrit l’assurance pour couverture de sinistres, a bien versé les primes d’assurance à raison de 3 500 euros (8 200 euros à partir d’avril 2015). Mais, depuis septembre 2016, aucune indemnité n’a plus été versée. L’assureur pour sa défense, attaque Humania en justice pour motif de « fausse information intentionnelle ». Cette dernière réplique à la procédure en déposant en mars 2017 une plainte pour escroquerie en bande organisée. C’est là encore une affaire complexe qui risque de s’éterniser. Les requérants devront certainement s’armer de patience surtout qu’il faut attendre plusieurs années pour obtenir gain de cause, encore faut-il qu’ils y parviennent.
La leçon à tirer du contentieux TEG est que certaines personnes doivent se servir des erreurs commises pour ne pas les refaire.
La justice connaît aussi bien le droit bancaire que les banques. Par ailleurs, la justice agit et tranche selon des règles jurisprudentielles propres à une matière. Un sujet aussi complexe doit donc être traité avec des connaissances juridiques et financières irréprochables, et toute manœuvre visant à les transgresser est une peine perdue.
La contestation du TEG qui était longtemps une veine à exploiter pour les escrocs, ne doit pas ainsi être envisagée systématiquement pour gagner un peu d’argent. Les pratiques commerciales trompeuses ne cesseront peut-être pas, mais il appartient à chacun de faire un choix convenable.
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